Pages

Wednesday, 5 November 2025

République démocratique du Congo (RDC) : la paix comme instrument géopolitique

 Depuis près de trois décennies, la République démocratique du Congo (RDC) demeure l'épicentre d'une instabilité régionale où s'entremêlent intérêts économiques, enjeux sécuritaires et rivalités d'influence. Les conflits récurrents dans l'Est du pays — notamment dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, de l'Ituri et du Maniema — révèlent non seulement la fragilité structurelle de l'État congolais, mais surtout l'instrumentalisation systématique de cette faiblesse par des puissances étrangères et régionales.

Deux dynamiques diplomatiques récentes incarnent cette réalité :

  • Le système de Washington, qui repose sur une logique d'intégration régionale économique et sécuritaire prétendument bénéfique à la stabilité, mais dont les dividendes réels favorisent principalement le Rwanda ;
  • Le système de Doha, qui tend à légitimer la rébellion du M23 et à entériner la fragmentation de la souveraineté congolaise au profit de Kigali.

Dans les deux cas, ces dispositifs de paix s'inscrivent dans une diplomatie de façade où les mécanismes de résolution des conflits se transforment en outils d'influence et de contrôle, plutôt qu'en instruments de justice et de souveraineté.

1. Le système de Washington : une paix asymétrique qui récompense l'agresseur

1.1 L'architecture du système

Le "système de Washington" désigne la politique américaine de gestion de la crise dans les Grands Lacs, articulée autour de trois axes principaux :

1.   La sécurisation des zones minières stratégiques pour les chaînes d'approvisionnement mondiales (cobalt, coltan, lithium, cuivre) ;

2.   La stabilisation régionale par l'intégration économique, notamment à travers la coopération entre le Rwanda et la RDC, y compris l'exploitation commune de certaines ressources congolaises ;

3.   La coopération sécuritaire privilégiée avec le Rwanda, perçu comme un partenaire stable et fiable.

Cette approche repose sur une logique utilitariste : la stabilité régionale nécessiterait le leadership d'un État fort, en l'occurrence le Rwanda. L'accord signé le 27 juin 2025 à Washington entre la RDC et le Rwanda, avec la participation du président Donald Trump, illustre cette vision : il privilégie une normalisation rapide des relations sans résoudre les causes profondes du conflit.

1.2 L'exploitation systématique de la faiblesse congolaise

Consciente de son incapacité à protéger son territoire et à valoriser seule ses ressources, la RDC s'est tournée vers Washington pour obtenir un appui sécuritaire en échange de garanties économiques dans le secteur minier. Cependant, cette dépendance a créé une relation profondément asymétrique où le Congo apparaît davantage comme un terrain d'expérimentation géostratégique que comme un acteur souverain.

Pendant ce temps, Paul Kagame instrumentalise habilement cette dynamique : il se positionne comme un acteur indispensable à la paix régionale, alors même que ses forces et ses alliés — notamment le M23 — déstabilisent activement la RDC. Cette stratégie permet au Rwanda de :

  • Bénéficier d'un capital diplomatique auprès des puissances occidentales ;
  • Obtenir des investissements et aides bilatérales au nom de la stabilité régionale ;
  • Maintenir un accès privilégié aux minerais congolais via des circuits de contrebande structurés.

Selon le US Geological Survey, les exportations de coltan du Rwanda ont augmenté de 50% entre 2022 et 2023, alors que le pays ne dispose pas de réserves suffisantes pour justifier de tels volumes. Ces minerais proviennent en réalité de zones contrôlées par le M23 en RDC, notamment de Rubaya, l'une des plus grandes sources de coltan au monde, tombée aux mains du M23 en avril 2024. Les experts estiment que le M23 perçoit au moins 800 000 dollars par mois uniquement grâce aux taxes sur le coltan à Rubaya.

Ainsi, sous couvert du "cadre de paix de Washington", Kigali tire profit d'un double discours : d'un côté, celui du pacificateur régional ; de l'autre, celui de l'agresseur silencieux qui profite économiquement du chaos qu'il entretient.

1.3 Les accords RDC–Rwanda : une illusion de coopération

Le système de Washington, sous couvert d'intégration régionale, se transforme en outil d'annexion économique indirecte. La RDC n'obtient que des miettes — quelques promesses d'investissements et de soutien logistique — sans réelle restauration de sa souveraineté territoriale ou économique. L'accord de Washington de juin 2025, bien que présenté comme une avancée, n'a produit aucun changement concret sur le terrain.

2. Le système de Doha : une paix de reconnaissance qui institutionnalise la balkanisation

2.1 Origine et logique du système de Doha

Le "système de Doha" fait référence aux négociations initiées au Qatar en avril 2025, où des diplomates, représentants occidentaux et délégués du M23 se sont retrouvés pour explorer une issue politique au conflit de l'Est.

Contrairement au système de Washington (plus global et économique), le système de Doha repose sur une logique de reconnaissance politique : il vise à intégrer le M23 dans un processus de dialogue formel, le présentant non comme un groupe rebelle terroriste, mais comme un acteur légitime des négociations.

Cette approche, défendue par le Rwanda, postule que la paix ne peut se construire sans le M23, présenté comme représentant d'une communauté "marginalisée" (les Tutsis congolais). Cependant, cette narrative occulte sciemment le rôle direct et documenté du Rwanda dans la formation, l'armement, le commandement et le financement du M23.

2.2 L'offensive de janvier-février 2025 : un contexte de conquête territoriale

Le processus de Doha s'est ouvert alors que le M23, avec le soutien massif des Forces de défense rwandaises (FDR), lançait sa plus importante offensive depuis 2012. Le 28 janvier 2025, le M23 s'est emparé de Goma, capitale du Nord-Kivu et ville d'un million d'habitants, malgré la présence de la MONUSCO, des forces de la SADC et de milices locales. Le 15 février 2025, c'est Bukavu, capitale du Sud-Kivu, qui est tombée.

Ces conquêtes ont été rendues possibles par un soutien rwandais massif. Le rapport du Groupe d'experts de l'ONU, publié en juillet 2025, confirme le déploiement d'au moins 6 000 soldiers rwandais en territoire congolais. Ce soutien inclut :

  • Des formations militaires dans des camps situés au Rwanda ;
  • La fourniture d'armements sophistiqués : drones turcs Bayraktar TB2, systèmes de missiles chinois SHORAD, équipements de guerre électronique ;
  • Un commandement opérationnel coordonné impliquant des officiers supérieurs rwandais identifiés par l'ONU, dont James Kabarebe (ministre de la Coopération régionale), le général Vincent Nyakarundi (chef d'état-major des FDR) et le général Patrick Karuretwa.

Cette offensive a causé près de 3 000 morts, dont le gouverneur militaire provincial, et provoqué le déplacement de 500 000 personnes supplémentaires, s'ajoutant aux 2 millions de déplacés déjà recensés dans l'Est du pays.

2.3 La signature de Doha : une reconnaissance piégée

Malgré ce contexte de conquête militaire, ou plutôt à cause de lui, le 19 juillet 2025, la RDC et le M23 ont signé à Doha une déclaration de principe comprenant un engagement pour un "cessez-le-feu permanent". Cette déclaration prévoyait :

  • L'ouverture de négociations formelles au plus tard le 8 août 2025 ;
  • La signature d'un accord de paix global au plus tard le 18 août 2025 ;
  • Une "feuille de route pour le rétablissement de l'autorité de l'État" dans les zones contrôlées par le M23.

Cependant, ces échéances n'ont pas été respectées. En novembre 2025, aucun accord de paix définitif n'a été conclu. Les combats se poursuivent sporadiquement, le M23 maintient son contrôle sur Goma, Bukavu et les zones minières stratégiques, et pose de nouvelles conditions avant tout accord : libération de centaines de prisonniers, levée des mandats d'arrêt contre ses membres, et reconnaissance de son statut politique.

En participant à ces négociations, la RDC est tombée dans un piège de légitimation. Elle reconnaît implicitement le M23 comme un acteur politique, alors même qu'il est responsable de crimes de guerre et qu'il n'est qu'un proxy de l'armée rwandaise.

2.4 Les conséquences de cette reconnaissance

Cette posture affaiblit dramatiquement la position de Kinshasa :

  • Elle sape la crédibilité du gouvernement congolais, incapable de protéger sa population ;
  • Elle conforte la narrative rwandaise selon laquelle le conflit serait "interne" et non une agression étrangère ;
  • Elle éloigne la possibilité d'une justice internationale contre Kigali pour ses ingérences documentées et répétées ;
  • Elle crée un précédent dangereux : toute rébellion armée soutenue par un État voisin peut désormais exiger une reconnaissance politique en échange d'un cessez-le-feu.

Le système de Doha, censé apaiser, entérine au contraire la division territoriale et morale du pays. Il institutionnalise la présence du M23 dans les zones conquises et prépare une partition de fait du territoire congolais.

3. Les erreurs structurelles et la faiblesse stratégique de la RDC

3.1 Une lecture erronée des causes du conflit

Pendant des années, la RDC — sous pression internationale — a accepté la narrative selon laquelle les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) constituaient la principale cause de l'instabilité régionale.

Cette vision, promue par Kigali, a permis au Rwanda de justifier ses incursions militaires au Congo comme des "opérations préventives" contre les FDLR, alors qu'elles servaient de couverture à des objectifs économiques et territoriaux bien documentés.

En se focalisant sur cette menace périphérique, Kinshasa a négligé la véritable nature du projet rwandais : un projet expansionniste systématique visant à transformer le Kivu en zone tampon économique et sécuritaire sous influence directe de Kigali.

Le président Félix Tshisekedi, après plusieurs années de confiance dans la diplomatie régionale, a finalement reconnu publiquement que le Rwanda cherche à annexer le Kivu, non à protéger une minorité ethnique menacée. Mais cette prise de conscience arrive tardivement, après des années de concessions diplomatiques.

3.2 Une dépendance diplomatique et sécuritaire risquée

Face à son incapacité à défendre le territoire national, la RDC multiplie les partenariats externes : États-Unis, France, forces de la SADC (Afrique du Sud, Malawi, Tanzanie), Burundi, Ouganda. Paradoxalement, cette dépendance stratégique dilue la souveraineté nationale dans un ensemble d'intérêts contradictoires.

Chaque partenaire étranger agit selon ses propres priorités — économiques, militaires ou diplomatiques — rarement alignées sur celles du peuple congolais :

  • Les États-Unis privilégient l'accès aux minerais stratégiques ;
  • La France cherche à maintenir son influence dans la région des Grands Lacs ;
  • Les pays de la SADC poursuivent leurs propres agendas sécuritaires ;
  • Le Burundi craint une déstabilisation similaire orchestrée par le Rwanda.

Pendant que la RDC attend des secours extérieurs, ses voisins construisent des stratégies de long terme fondées sur sa fragilité. Le Rwanda, lui, transforme sa petite taille en avantage stratégique : il agit rapidement, parle d'une seule voix, et exploite méthodiquement les divisions congolaises.

3.3 Une gouvernance interne incapable de résistance

Au-delà de la diplomatie, le principal talon d'Achille de la RDC réside dans sa gouvernance interne défaillante :

  • Corruption endémique à tous les niveaux de l'État ;
  • Armée (FARDC) fragmentée, sous-équipée et souvent indisciplinée ;
  • Absence de contrôle effectif des frontières orientales ;
  • Faible cohésion nationale et divisions ethno-régionales exploitables ;
  • Incapacité à générer des revenus fiscaux suffisants malgré d'immenses richesses minières.

Cette désorganisation chronique rend le pays structurellement vulnérable aux manipulations extérieures. Tant que le pouvoir congolais ne bâtira pas une vision nationale claire de sécurité et de développement, il restera prisonnier de cadres imposés par d'autres acteurs plus organisés et plus déterminés.

4. Les conséquences : vers une balkanisation silencieuse

Les deux systèmes — Washington et Doha — convergent vers un même résultat funeste : la déconstruction progressive de la souveraineté congolaise.

  • Le système de Washington légitime une dépendance économique et sécuritaire où le Rwanda devient le partenaire privilégié des grandes puissances occidentales, malgré son rôle d'agresseur documenté ;
  • Le système de Doha confère une reconnaissance politique au M23 et prépare une partition de fait du territoire congolais, en institutionnalisant le contrôle rebelle sur des zones stratégiques.

Dans les deux cas, Paul Kagame sort gagnant :

  • Il obtient la reconnaissance internationale comme acteur incontournable de la stabilité régionale ;
  • Il consolide la présence militaire rwandaise dans le Kivu ;
  • Il détourne les richesses minières vers Kigali à travers des circuits désormais quasi-institutionnalisés ;
  • Il impose son agenda politique à Kinshasa malgré les résolutions de l'ONU.

Pendant ce temps, la RDC reste engluée dans une logique défensive et réactive, accumulant les défaites diplomatiques et territoriales.

La balkanisation du Congo n'est donc pas un projet brutal d'annexion militaire classique, mais un processus graduel et sophistiqué d'érosion de la souveraineté, orchestré à travers des mécanismes de paix détournés de leur objectif initial. C'est une conquête par instrumentalisation diplomatique.

5. Les réactions internationales : entre condamnations et impuissance

Face à cette situation, la communauté internationale a multiplié les déclarations et les mesures, sans parvenir à inverser la dynamique sur le terrain.

5.1 Résolutions de l'ONU

Le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté unanimement, en février 2025, une résolution condamnant fermement l'offensive du M23 et exigeant :

  • L'arrêt immédiat des hostilités ;
  • Le retrait du M23 de toutes les zones contrôlées ;
  • Le retrait "sans conditions" des Forces de défense rwandaises du territoire congolais ;
  • Le démantèlement des administrations parallèles établies par le M23.

Cependant, ces exigences sont restées lettre morte. Le Rwanda continue de nier toute implication militaire directe, malgré les preuves accablantes du Groupe d'experts de l'ONU.

5.2 Sanctions de l'Union européenne

En mars 2025, l'Union européenne a imposé des sanctions ciblées contre des officiers rwandais et des leaders du M23, incluant :

  • Des officiers des FDR : Ruki Karusisi, Eugène Nkubito, Pascal Muhizi ;
  • Des dirigeants du M23 : Bertrand Bisimwa, Désiré Rukomera, Jean-Bosco Nzabonimpa Mupenzi ;
  • Francis Kamanzi, PDG du Rwanda Mines, Petroleum and Gas Board, pour son implication dans l'exploitation illégale de minerais.

Ces sanctions, bien que symboliquement importantes, n'ont pas modifié le comportement du Rwanda ni freiné l'avancée du M23.

5.3 Retrait de la médiation angolaise

En mars 2025, le président angolais João Lourenço s'est retiré de son rôle de médiateur, après des années d'efforts infructueux dans le cadre du processus de Luanda. Ce retrait symbolise l'échec des médiations africaines traditionnelles face à la détermination rwandaise et à la faiblesse congolaise.

6. Perspectives et voies de résistance

Pour sortir de cette spirale destructrice, la RDC doit repenser radicalement sa stratégie à plusieurs niveaux :

6.1 Recentrer la diplomatie sur la souveraineté nationale

La RDC doit refuser les cadres diplomatiques imposés sans garanties réelles de neutralité et de respect de la souveraineté. Cela implique :

  • D'exiger systématiquement le retrait préalable de toutes les forces étrangères avant toute négociation ;
  • De privilégier des alliances basées sur la réciprocité effective, notamment avec des acteurs africains partageant une vision panafricaniste authentique ;
  • De rejeter toute négociation directe avec le M23 tant qu'il n'a pas déposé les armes et accepté sa dissolution ;
  • D'exiger la reconnaissance internationale du Rwanda comme État agresseur, conformément aux rapports documentés de l'ONU.

6.2 Réhabiliter la légitimité et la capacité internes

Renforcer les institutions nationales constitue la priorité absolue :

  • Restructurer, professionnaliser et équiper l'armée (FARDC) de manière urgente ;
  • Rétablir le contrôle effectif des frontières orientales ;
  • Combattre la corruption systémique qui sape la crédibilité de l'État ;
  • Restaurer la confiance du peuple dans les institutions nationales ;
  • Développer une véritable cohésion nationale au-delà des divisions ethniques et régionales.

Une armée restructurée, disciplinée, bien équipée et loyale est la première condition d'une paix durable. Sans capacité militaire crédible, toute négociation diplomatique se fera en position de faiblesse.

6.3 Réorienter le discours international

La RDC doit systématiquement dénoncer la duplicité des acteurs extérieurs qui soutiennent simultanément les victimes et les agresseurs. Cela nécessite :

  • Une diplomatie offensive et non plus seulement défensive ;
  • L'utilisation systématique des forums internationaux (ONU, Union africaine, Cour pénale internationale) ;
  • La documentation rigoureuse des crimes de guerre et crimes contre l'humanité ;
  • La mobilisation de l'opinion publique internationale contre l'agression rwandaise ;
  • L'exigence d'une responsabilité pénale internationale pour les dirigeants rwandais impliqués.

6.4 Valoriser les ressources nationales de manière souveraine

La RDC doit mettre en place des partenariats transparents et équitables pour l'exploitation minière :

  • Renégocier les contrats léonins qui dépossèdent le pays de ses richesses ;
  • Créer des mécanismes de traçabilité stricte des minerais pour combattre la contrebande ;
  • Développer une industrie de transformation locale pour capturer plus de valeur ajoutée ;
  • Diversifier les partenaires économiques pour réduire les dépendances unilatérales ;
  • Investir massivement les revenus miniers dans la défense, l'éducation et les infrastructures.

6.5 Construire une coalition régionale de résistance

La RDC ne peut affronter seule l'expansionnisme rwandais. Elle doit :

  • Renforcer ses alliances avec les pays également menacés (notamment le Burundi) ;
  • Proposer une vision alternative d'intégration régionale basée sur le respect mutuel ;
  • Mobiliser les institutions africaines (Union africaine, SADC, Communauté d'Afrique de l'Est) ;
  • Documenter et partager les preuves de l'agression rwandaise avec tous les acteurs régionaux.

Conclusion : une paix confisquée, une souveraineté à reconquérir

L'analyse des systèmes de Washington et de Doha révèle un paradoxe tragique : la paix n'est plus un objectif sincère, mais un prétexte pour l'expansion géopolitique.

Dans les deux approches, le Rwanda capitalise méthodiquement sur la faiblesse congolaise pour étendre son influence territoriale, économique et politique, tandis que la RDC, faute de stratégie unifiée et de capacités effectives, se contente de réponses diplomatiques symboliques qui ne changent rien sur le terrain.

Les événements de 2025 ont confirmé cette analyse :

  • L'offensive de janvier-février 2025, qui a abouti à la conquête de Goma et Bukavu, démontre l'ampleur du soutien militaire rwandais au M23 ;
  • L'accord de Washington de juin 2025 illustre la préférence américaine pour une "stabilisation" rapide qui ne remet pas en cause les intérêts rwandais ;
  • Le processus de Doha, malgré la signature d'une déclaration de principe en juillet 2025, a échoué à produire un accord de paix et a surtout servi à légitimer le M23 comme acteur politique ;
  • Les sanctions internationales, bien que symboliquement importantes, n'ont pas modifié le comportement des acteurs sur le terrain.

Le président Tshisekedi, en reconnaissant enfin que l'objectif du Rwanda est l'annexion du Kivu, a mis des mots sur une réalité que les rapports de l'ONU documentent depuis des années. Mais cette prise de conscience, si elle ne s'accompagne pas d'un changement radical de stratégie, risque d'arriver trop tard.

La paix véritable au Congo ne viendra ni de Washington ni de Doha, mais d'une reconstruction de la puissance congolaise, fondée sur :

1.   La souveraineté territoriale effective et non négociable ;

2.   La justice pour les crimes commis et les responsabilités établies ;

3.   La capacité de résistance militaire, économique et diplomatique face aux manipulations extérieures ;

4.   La légitimité interne retrouvée à travers une gouvernance efficace et inclusive ;

5.   Une vision stratégique claire et unifiée de l'intérêt national.

Tant que la RDC n'imposera pas son propre cadre de paix, elle restera prisonnière de ceux qui prétendent la sauver tout en profitant de sa faiblesse. La reconquête de la souveraineté congolaise passe nécessairement par le refus des fausses paix qui institutionnalisent la dépossession.

Le choix est désormais clair : accepter une balkanisation progressive déguisée en processus de paix, ou refuser ces cadres piégés et reconstruire, patiemment mais résolument, les fondations d'un État souverain capable de défendre son territoire et ses intérêts.

L'histoire jugera sévèrement ceux qui, par faiblesse ou complaisance, auront accepté le démantèlement silencieux d'un des plus grands pays d'Afrique.

Préparé par :
Sam Nkumi, Chris Thomson & Gilberte Bienvenue
African Rights Alliance, London, UK

Version actualisée : Novembre 2025


Sources et références complémentaires

  • Rapports du Groupe d'experts de l'ONU sur la RDC (mai-juillet 2025)
  • Résolution du Conseil de sécurité de l'ONU (février 2025)
  • Déclaration de principe de Doha (19 juillet 2025)
  • Accord de paix RDC-Rwanda de Washington (27 juin 2025)
  • Sanctions de l'Union européenne (mars 2025)
  • Rapports du US Geological Survey sur les exportations minières rwandaises (2022-2025)
  • Analyses de Crisis Group International, ACLED, et United States Institute of Peace (2025)

 

Saturday, 27 September 2025

Les États-Unis « bloqués » par Paul Kagame dans les négociations entre le Rwanda et la RDC

Analyse critique de l’interview de Massad Boulos sur Radio Kinshasa

Introduction

L’interview accordée récemment par Massad Boulos à Radio Kinshasa a provoqué une onde de choc dans l’opinion publique congolaise et au-delà. Ses propos, loin d’apporter de la clarté sur la crise de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), ont été perçus comme une tentative de minimiser la gravité des crimes commis, de détourner l’attention de la responsabilité directe du Rwanda, et de redéfinir unilatéralement les priorités diplomatiques.

Selon Boulos, les négociations de Doha constitueraient le cœur du problème, alors même que l’Accord de Washington avait été présenté par les États-Unis comme le principal outil de résolution. Donald Trump, dans son style caractéristique, s’était même vanté d’avoir « arrêté la guerre » entre Kigali et Kinshasa grâce à cet accord. Pourtant, la guerre se poursuit, le M23 progresse, et les Forces de défense rwandaises (RDF) continuent d’opérer en territoire congolais.

Plus grave encore, Boulos a repris à son compte l’argument de « sécurité nationale » avancé par Kigali pour justifier sa présence militaire en RDC, en évoquant la menace persistante des FDLR. Or, cet argument, usé depuis plus de vingt ans, n’est qu’un prétexte récurrent qui masque une stratégie expansionniste bien huilée.

Enfin, Boulos a proposé des solutions extrêmement controversées, notamment l’intégration des combattants du M23 dans les FARDC et une réorganisation institutionnelle fondée sur la gouvernance et la décentralisation. Or, replacées dans leur contexte, ces propositions apparaissent comme des concessions dangereuses qui franchissent les lignes rouges fixées par Kinshasa et par la communauté internationale.

Cette analyse critique montre que les propos de Boulos entretiennent un flou dangereux : ils renforcent de facto la position de Paul Kagame, affaiblissent la souveraineté congolaise, et risquent de prolonger indéfiniment une guerre qui dure depuis près de trente ans.

1. Un doute inacceptable sur le génocide en RDC

La partie la plus choquante de l’interview concerne la minimisation du génocide congolais. Boulos a réduit le débat à une question de terminologie, insinuant que le terme « génocide » serait inapproprié, et avançant des chiffres très inférieurs aux estimations reconnues. Selon lui, le nombre de morts se situerait entre 6 et 7 millions, alors que d’autres études et ONG évoquent plus de 10 millions de victimes depuis le milieu des années 1990.

Or, la réalité est connue : la RDC a subi des massacres de masse, des déplacements forcés de populations, des viols utilisés comme armes de guerre, et un pillage systématique de ses ressources. Ces atrocités ne sont pas de simples « dommages collatéraux » : elles ont été planifiées, coordonnées et exécutées dans le cadre d’une stratégie régionale visant à déstabiliser l’Est et à en exploiter les richesses.

Le fameux Mapping Report des Nations unies (2010) décrit en détail des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des actes susceptibles d’être qualifiés de génocide. Nier ou relativiser cette réalité revient à insulter la mémoire des victimes et à protéger les auteurs. En pratique, ce type de discours offre une couverture politique à Kigali, dont l’implication directe dans la déstabilisation de la RDC est largement documentée.

2. Les « causes profondes » : un discours biaisé et imposé de l’extérieur

Boulos insiste sur les négociations de Doha, affirmant que ce processus serait la clé pour comprendre le conflit. Or, ce raisonnement est biaisé.

D’abord, il occulte un fait central : le M23 n’est pas un acteur indépendant. C’est une rébellion armée créée, financée, et soutenue par Kigali. Les RDF combattent ouvertement à ses côtés, comme l’ont confirmé plusieurs rapports onusiens et organisations internationales.

Ensuite, il passe sous silence l’Accord de Washington, présenté par les États-Unis eux-mêmes comme l’outil principal pour désamorcer le conflit. En déplaçant toute l’attention sur Doha, Boulos laisse entendre que la RDC elle-même serait le problème, et que tout se résumerait à un déséquilibre interne de gouvernance.

Mais surtout, il faut rappeler que les « causes profondes » mises en avant dans ces négociations ne sont pas le fruit d’un consensus. Elles ont été définies unilatéralement par le Rwanda et le M23, qui imposent leurs propres revendications – notamment politiques et territoriales – en les faisant passer pour des doléances congolaises. Autrement dit, Kigali et ses alliés fabriquent un récit qui sert leurs ambitions géopolitiques, puis l’imposent à la communauté internationale comme une grille d’analyse incontournable.

Cette manipulation est dangereuse : elle banalise l’agression étrangère et rejette la faute sur Kinshasa. Les Congolais, eux, voient dans ce discours une injustice flagrante, une inversion des responsabilités qui protège l’agresseur au lieu de défendre les victimes.

3. La rencontre avortée de Washington : la vérité occultée

Autre point polémique : la recontre prévue à Washington entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Selon Boulos, elle n’aurait « jamais été planifiée ». Cette affirmation est contredite par plusieurs sources diplomatiques, qui confirment qu’une rencontre était bien envisagée, mais qu’elle a été annulée en raison du refus de Kagame d’en accepter l’agenda.

Qualifier ce refus de simple « complexité » revient à masquer la réalité : Kagame ne veut rien céder. Son objectif est clair : maintenir une pression militaire permanente, utiliser le M23 comme levier politique, et imposer à terme ses conditions.

En niant l’existence même de cette rencontre, Boulos brouille le récit diplomatique, dilue les responsabilités et affaiblit la position américaine. Cette posture décrédibilise la médiation et envoie un signal négatif à Kinshasa, déjà fragilisée par des décennies de concessions forcées.

4. Kagame, la véritable source de la « complexité »

Dire que la situation est « complexe » est devenu un refrain diplomatique. Or, cette complexité n’est pas naturelle, elle est fabriquée par Kigali.

Depuis plus de vingt ans, Paul Kagame poursuit une stratégie méthodique :

  • Maintenir une insécurité permanente dans l’Est congolais pour empêcher l’État central d’exercer son autorité.
  • Exploiter illégalement les ressources (coltan, or, cassitérite) via des réseaux parallèles contrôlés par le Rwanda.
  • Utiliser le M23 comme bras armé, afin d’obtenir des concessions politiques et territoriales.
  • Promouvoir une balkanisation rampante, visant à transformer le Kivu en zone tampon sous influence rwandaise.

En réalité, si le Rwanda cessait son ingérence, la crise serait beaucoup plus simple à résoudre. Ce n’est pas l’incapacité congolaise à gouverner qui rend la situation insoluble, mais bien la stratégie expansionniste de Kigali.

5. L’intégration du M23 dans les FARDC : une proposition dangereuse

L’une des suggestions les plus polémiques de Boulos est l’intégration du M23 dans l’armée congolaise. Cette proposition est non seulement irréaliste, mais aussi extrêmement dangereuse.

L’expérience passée a montré les effets catastrophiques de telles intégrations. En 2009, le CNDP avait été incorporé dans les FARDC à la suite d’accords politiques. Résultat : infiltration des structures militaires, affaiblissement de la chaîne de commandement, et émergence quelques années plus tard… du M23.

Intégrer à nouveau des rebelles soutenus par Kigali reviendrait à institutionnaliser l’impunité et à récompenser l’agression armée. Ce serait un signal dramatique : toute rébellion appuyée de l’extérieur pourrait espérer obtenir une légitimité militaire et politique en échange de sa violence.

Pour Kinshasa, cette option est une ligne rouge. Elle compromettrait non seulement la cohésion de l’armée, mais aussi la souveraineté de l’État.

6. Gouvernance, décentralisation et le piège du fédéralisme imposé

Boulos insiste également sur la gouvernance et la décentralisation, qu’il présente comme des solutions. Pris isolément, ces thèmes sont légitimes : améliorer la gouvernance, rapprocher l’État des citoyens, renforcer les provinces sont des objectifs inscrits dans la Constitution congolaise.

Mais replacés dans ce contexte, ces arguments apparaissent comme une caution donnée aux revendications du M23 et à la vision fédéraliste de Kagame. Le « fédéralisme » prôné par ces acteurs n’est pas une aspiration démocratique congolaise : c’est une stratégie imposée de l’extérieur pour affaiblir Kinshasa et consolider l’emprise rwandaise sur certaines provinces stratégiques.

La vraie réforme institutionnelle doit renforcer l’unité nationale et servir la population, pas légitimer des zones d’influence armée.

7. Contradiction avec la résolution 2773 du Conseil de sécurité

Les propos de Boulos entrent en contradiction directe avec la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations unies. Celle-ci :

  • condamne explicitement les activités du M23 ;
  • exige le retrait immédiat des zones occupées ;
  • rappelle l’obligation de respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté de la RDC.

Proposer l’intégration du M23 dans les FARDC, sans désarmement préalable ni justice, revient à piétiner ces engagements internationaux. C’est aussi un déni de la Déclaration de Washington, qui insiste sur trois points : le départ des troupes rwandaises, la fin de l’appui militaire au M23, et le désarmement des groupes armés.

8. Une médiation américaine perçue comme biaisée et inefficace

Au final, l’impression laissée par cette interview est celle d’une médiation américaine partiale et inefficace. Au lieu de soutenir clairement la RDC face à une agression extérieure, Boulos donne le sentiment de valider les revendications rwandaises et de déplacer le problème sur Kinshasa.

Cette attitude reflète une faiblesse plus large de la politique américaine en Afrique centrale : la tendance à privilégier des « alliés stratégiques » comme Kigali, même au prix de la justice et de la souveraineté. Pour les Congolais, c’est vécu comme une trahison. Le ressentiment contre les puissances occidentales grandit, car elles apparaissent comme complices du statu quo sanglant qui perdure depuis des décennies.

9. Pour une feuille de route crédible

Une sortie de crise viable doit s’articuler autour de quatre piliers :

1.    Sécurité : retrait des RDF, cessation du soutien au M23, cantonnement des groupes armés, protection effective des civils et réouverture des corridors humanitaires.

2.    Justice : identification et poursuite des responsables de crimes graves, réparations pour les victimes, et lutte contre l’impunité.

3.    Réformes militaires (SSR/DDR) : désarmement vérifiable, démobilisation contrôlée, intégration sélective et conditionnelle d’ex-combattants, avec garanties de non-récidive.

4.    Gouvernance : mise en œuvre réelle de la décentralisation constitutionnelle, mais sans pressions extérieures ni manipulations armées.

 

Conclusion : nommer la réalité pour construire la paix

L’interview de Massad Boulos illustre une dérive dangereuse : minimiser la réalité du génocide congolais, ignorer les responsabilités du Rwanda, et proposer des solutions qui récompensent la violence. Derrière le langage diplomatique de la « complexité » se cache une vérité simple : la crise de l’Est est le fruit d’une agression extérieure, planifiée et persistante.

Les millions de victimes congolaises méritent reconnaissance et justice. Leur souffrance ne peut être relativisée au nom d’intérêts géopolitiques. Pour espérer une paix durable, il est impératif de respecter la résolution 2773 du Conseil de sécurité, d’appliquer la Déclaration de Washington, et de rappeler sans ambiguïté que la souveraineté de la RDC n’est pas négociable.

Le génocide congolais doit être reconnu sur son propre mérite, sans être comparé ni relativisé au regard d’autres tragédies. Toute tentative de minimisation ou de négation est une insulte à la mémoire des victimes et un obstacle majeur à la réconciliation.

Enfin, il appartient aux Congolais eux-mêmes – et non au Rwanda, au M23 ou à des diplomates étrangers – de définir les véritables causes profondes de la crise et les voies de sortie. Tant que ces « causes » seront décidées unilatéralement par Kigali, aucune paix durable ne sera possible.

Prepared par :

Sam Nkumi, Chris Thomson & Gilberte  Bienvenue

African Rights Alliance, London, UK


Wednesday, 3 September 2025

Doha Negotiations: Why the DRC Must Refuse the Ceasefire and the Release of Prisoners

The Doha negotiations, presented as a decisive step towards restoring peace in the eastern Democratic Republic of Congo (DRC), once again revolve around two central proposals: a ceasefire between the Congolese Armed Forces (FARDC), the Wazalendo self-defence groups and the March 23 Movement (M23), and the release of prisoners associated with the latter. For international mediators and certain foreign partners, these measures appear reasonable, aimed at reducing the intensity of the fighting and creating a climate conducive to dialogue.

Yet a closer examination of the situation demonstrates that these proposals pose major threats to the sovereignty, security, and stability of the DRC. The country’s recent history, the painful lessons of previous agreements, and the well-established strategies of its adversaries all show that conceding on these points would mean repeating the same mistakes that have allowed Rwanda and its proxy armed groups to sustain destabilising ambitions. Refusing these conditions is not an act of obstinacy, but a strategic imperative for an embattled state.

1. The History of Ceasefires: A Systematic Trap

For more than two decades, successive Congolese governments have signed ceasefire agreements with armed groups active in the East. From the Lusaka Agreement in 1999 to the Sun City talks of 2002, and later the Nairobi accords with the CNDP and M23, each process was framed as a step towards ending violence. Yet in practice, rebel groups have consistently exploited these pauses for military gain.

The pattern is familiar. While the FARDC are ordered to halt operations, the M23 uses the lull to recruit new fighters, reorganise its command structures and receive weapons, training, and logistical support from Rwanda. Ceasefires, far from being moments of de-escalation, have functioned as strategic breathing spaces for rebels.

The results have been disastrous. The FARDC often find themselves demobilised and demoralised, while local populations lose faith in the state’s ability to provide security. From truce to truce, the M23 and its predecessors have entrenched their control over strategic territories, such as the mineral-rich areas of North Kivu.

Accepting another ceasefire in Doha would perpetuate this vicious cycle. Historical precedent is clear: the M23 has never respected a truce. The DRC must therefore break with this repetitive and costly logic.

2. The Strategic Paralysis of the FARDC and Wazalendo

A ceasefire does more than freeze military activity; it also carries psychological and political consequences. By imposing a truce on the FARDC and the Wazalendo, it blunts their vigilance, disrupts their field strategies, and creates the illusion of imminent peace.

The experience of the so-called “Washington Agreements” is telling. At the time, Kinshasa suspended its military efforts in the belief that international powers—particularly the United States—would intervene decisively to resolve the crisis. Instead, this reliance on external salvation paralysed the government, while Congolese civilians endured massacres and displacement.

A truce negotiated in Doha risks recreating this scenario. The FARDC and self-defence groups, who have demonstrated remarkable determination in recent months, would be forced into inaction, leaving the initiative once again to the M23 and its regional backers.

3. Paul Kagame’s Strategy: “To Talk and Fight”

Rwandan President Paul Kagame has long perfected a dual strategy often summarised as “to talk and fight”. It consists of engaging in negotiations while continuing hostilities on the ground. Through this approach, Kagame sustains an international image of a reasonable statesman open to dialogue, even as Rwandan forces, via the M23, wage an undeclared war in Congolese territory.

This duplicity has several advantages for Kigali. It buys time to strengthen rebel positions, diverts international attention, and secures de facto recognition of its influence in the region. Negotiations become not a path to peace, but a theatre for image management.

The DRC can no longer afford to be drawn into this charade. Genuine peace cannot be achieved by indulging Kigali’s duplicity. Refusing both the ceasefire and the prisoner release means rejecting an approach designed to weaken the Congolese state from within.

4. The Prisoner Question: A Threat to National Security

One of the most dangerous conditions under discussion in Doha concerns the release of M23-linked prisoners. Many of these detainees are not mere fighters but trained Rwandan infiltrators arrested inside Congolese territory. Some were apprehended for espionage, targeted assassinations and orchestrating insecurity in both rural and urban areas.

To release them would be to reintroduce highly trained operatives into the conflict, strengthening the M23’s human resources and directly threatening civilian populations. This would also send a devastating message domestically: that the Congolese state capitulates to pressure and cannot protect its citizens.

The stakes are therefore both practical and symbolic. Practically, these prisoners would bolster the M23’s operational capacity. Symbolically, their release would represent betrayal, eroding already fragile public trust in national institutions.

5. An Unequal and Dangerous Negotiation

The Doha talks suffer from a fundamental imbalance. They place a sovereign state, recognised under international law, on the same level as a rebel movement sustained by a foreign power. This false equivalence grants the M23 a legitimacy it does not deserve.

The M23 is not a representative political actor; it is a proxy force, reliant on Rwandan funding, weaponry, and political cover. To recognise it as a legitimate interlocutor is to undermine the very sovereignty of the DRC. It sets a precedent that armed violence, when sufficiently supported from abroad, can elevate a group to the status of political actor.

The DRC must resist this distortion. Negotiating under such terms weakens the authority of the Congolese state and legitimises aggression. Peace must rest not on concessions to rebels, but on respect for sovereignty, non-interference, and the inviolability of borders—principles enshrined in the UN Charter and the Constitutive Act of the African Union.

6. The American Illusion and Inevitable Disappointment

A further danger in the Doha process lies in the ambiguous role of the United States. Washington presents itself as a neutral arbiter, yet its stance has been consistently “balanced” between the aggressor (Rwanda) and the victim (DRC).

On paper, the US supports UN Security Council resolutions condemning the presence of Rwandan Defence Forces on Congolese soil. In practice, however, it avoids applying genuine pressure on Kigali, seeking instead to protect economic and security partnerships.

This ambiguity is not new. Since the 1990s, the US has been instrumental in Rwanda’s military rise, providing political and financial backing. Expecting Washington to impose a firm solution is therefore an illusion that history has repeatedly disproved.

The DRC must draw the correct conclusion: that its security cannot rest on the goodwill of external powers. It must prioritise its own military capacity, while building robust alliances with African institutions such as the Southern African Development Community (SADC) and the African Union.

7. What Alternatives for the DRC?

Rejecting the Doha conditions does not mean abandoning all political solutions. Instead, it means establishing realistic, sovereignty-preserving pathways to peace. Several alternatives are clear:

  1. Strengthening national defence: The FARDC and Wazalendo must be reinforced through improved training, logistical support, and morale-building measures. A credible deterrent is essential.
  2. Offensive diplomacy: Kinshasa must mobilise the African Union, the SADC, and the UN to pursue targeted sanctions against Rwanda and ensure the conflict is framed internationally as an act of cross-border aggression, not internal unrest.
  3. Justice and accountability: Prisoners must be tried for war crimes, crimes against humanity, and espionage, whether in Congolese courts or before international jurisdictions. Their release without due process would undermine justice.
  4. National communication: The government must actively explain its choices to the population, counter disinformation, and strengthen public trust in the state as the defender of sovereignty.

These measures would align the DRC’s response with international law and regional solidarity, while ensuring that peace efforts are grounded in justice, not concessions to aggressors.

Conclusion

The Doha negotiations are not a genuine opening towards peace but a trap that the DRC must avoid. The ceasefire, presented as a gesture of goodwill, functions only as a tactical instrument for the M23 and Rwanda to regroup and prepare future offensives. The release of prisoners, meanwhile, represents a direct security threat, restoring to the enemy trained operatives whose mission is to destabilise the DRC further.

Rejecting these conditions is not an act of radicalism, but a necessity dictated by historical experience and political realism. The DRC cannot build peace on concessions that empower aggressors. Instead, it must consolidate its military strength, reaffirm its sovereignty, build regional alliances, and pursue a diplomacy that exposes Rwanda’s responsibility in this proxy war.

True peace will not emerge from illusory truces but from the Congolese state’s determination to defend its territory, uphold justice, and assert its right to sovereignty in the face of aggression.

Prepared par :

Sam Nkumi, Chris Thomson & Gilberte  Bienvenue

African Rights Alliance

 

Négociations de Doha : pourquoi la RDC doit refuser le cessez-le-feu et la libération des prisonniers

Les négociations de Doha, présentées comme une étape décisive pour ramener la paix dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), reposent une fois encore sur deux propositions phares : un cessez-le-feu entre les Forces armées de la RDC (FARDC), les groupes d’autodéfense Wazalendo et le Mouvement du 23 mars (M23), ainsi que la libération des prisonniers liés à ce dernier. Pour les médiateurs internationaux et certains partenaires étrangers, ces mesures apparaissent comme des solutions raisonnables afin de réduire l’intensité des combats et d’instaurer un climat propice au dialogue.

Cependant, une lecture attentive de la situation démontre que ces propositions constituent de véritables menaces pour la souveraineté, la sécurité et la stabilité de la RDC. L’histoire récente de ce pays, l’expérience douloureuse de précédents accords, ainsi que la stratégie bien connue de ses adversaires, montrent clairement que céder sur ces points reviendrait à reproduire les mêmes erreurs qui ont permis au Rwanda et à ses groupes armés satellites de poursuivre leurs ambitions déstabilisatrices. Refuser ces conditions n’est pas une marque d’intransigeance, mais un impératif stratégique.

1. L’historique des cessez-le-feu : un piège systématique

Depuis plus de vingt ans, la RDC a multiplié les accords de cessez-le-feu avec des groupes armés actifs dans l’Est. Qu’il s’agisse du RCD, du CNDP ou aujourd’hui du M23, ces organisations ont toujours utilisé ces pauses comme des opportunités de reconstitution militaire.

Le schéma est bien connu : pendant que les FARDC sont contraintes de cesser leurs offensives, le M23 en profite pour recruter de nouveaux combattants, réorganiser ses troupes et recevoir des armes, du renseignement et du soutien logistique en provenance du Rwanda. Chaque trêve se transforme donc en un temps de répit qui favorise exclusivement les rebelles et leurs parrains régionaux.

Les FARDC, quant à elles, se retrouvent démobilisées, parfois démoralisées, et contraintes d’abandonner un terrain durement reconquis. Les communautés locales, déjà fragilisées, perdent confiance dans la capacité de l’État à les protéger. C’est ainsi que de cessez-le-feu en cessez-le-feu, la RDC a vu le M23 et ses prédécesseurs s’implanter durablement dans certaines zones stratégiques.

Accepter un nouveau cessez-le-feu à Doha reviendrait à reproduire ce cycle infernal. L’expérience prouve que le M23 n’a jamais respecté un accord de trêve. La RDC doit donc rompre avec cette logique répétitive qui a déjà coûté tant de vies et de territoires.

2. L’endormissement stratégique des FARDC et des Wazalendo

Un cessez-le-feu ne produit pas seulement des effets militaires : il agit également sur le plan psychologique et politique. En imposant une trêve aux FARDC et aux Wazalendo, on endort leur vigilance, on désorganise leurs stratégies locales et on crée une illusion trompeuse de paix imminente.

L’exemple des « Accords de Washington » illustre ce danger : convaincu que des soutiens extérieurs – en particulier américains – viendraient résoudre la crise, le gouvernement congolais a suspendu ses efforts militaires. L’attente d’une aide hypothétique a paralysé Kinshasa, tandis que les populations continuent de subir massacres et déplacements forcés.

Aujourd’hui, une trêve négociée à Doha risque de reproduire ce même schéma. Les FARDC et les groupes d’autodéfense, qui ont montré une détermination remarquable sur le terrain, se retrouveraient désorganisés et vulnérables, tandis que le M23 et ses parrains reprendraient l’initiative.

3. La stratégie de Paul Kagame : « to talk and fight »

Le président rwandais Paul Kagame a bâti sa réputation régionale sur une stratégie désormais bien connue : « to talk and fight » (parler et combattre). Elle consiste à négocier tout en poursuivant la guerre. À travers cette méthode, Kagame réussit à maintenir une image d’homme d’État ouvert au dialogue, alors même que ses troupes mènent des opérations militaires à travers des proxies comme le M23.

Cette duplicité lui permet de gagner du temps, de détourner l’attention de la communauté internationale et de légitimer indirectement ses ambitions territoriales et économiques. Chaque table de négociation devient un théâtre où Kigali soigne sa façade diplomatique, tout en consolidant ses positions militaires sur le terrain.

La RDC ne peut plus se laisser piéger par cette stratégie. Participer aux négociations ne doit pas signifier céder à des conditions qui profitent à l’agresseur. Refuser le cessez-le-feu et la libération des prisonniers revient à dénoncer cette hypocrisie et à affirmer que la paix véritable ne peut reposer sur des faux-semblants.

4. La question des prisonniers : un risque majeur pour la sécurité nationale

Parmi les conditions discutées à Doha figure la libération de prisonniers affiliés au M23. Or, nombre de ces détenus sont en réalité des infiltrés rwandais arrêtés en territoire congolais. Leur rôle ne se limitait pas au combat : certains ont été impliqués dans des activités d’espionnage, des assassinats ciblés et des opérations de déstabilisation urbaine.

Les libérer équivaudrait à remettre en circulation des agents formés, aguerris et motivés à poursuivre leurs missions. Cela renforcerait directement le dispositif opérationnel du M23 et accroîtrait la menace sécuritaire contre les populations civiles.

De plus, une telle mesure serait perçue par les Congolais comme une trahison. Dans un contexte où la confiance de la population envers ses institutions reste fragile, libérer ces individus reviendrait à envoyer le message que l’État cède face à l’ennemi. C’est un risque politique et sécuritaire que Kinshasa ne peut se permettre.

5. Une négociation déséquilibrée et dangereuse

Les pourparlers de Doha reposent sur un postulat biaisé : mettre sur un pied d’égalité un État souverain et un groupe rebelle soutenu par une puissance étrangère. Ce déséquilibre structurel confère au M23 une légitimité qu’il ne mérite pas.

Or, reconnaître le M23 comme un interlocuteur à part entière, c’est lui donner un poids politique qui dépasse largement sa réalité. Ce mouvement n’est pas une force politique représentative : il n’existe que grâce au soutien militaire et diplomatique du Rwanda. En l’érigeant en acteur incontournable, la communauté internationale contribue à délégitimer l’État congolais.

La RDC doit donc refuser toute négociation qui fragilise son autorité. La paix ne peut pas être construite sur des concessions accordées aux agresseurs, mais sur le respect des frontières et de la souveraineté.

6. L’illusion américaine et la déception inévitable

Un autre écueil des négociations de Doha réside dans l’ambiguïté des États-Unis. Washington prétend jouer un rôle d’arbitre, mais cette posture « équilibrée » entre l’agresseur (le Rwanda) et l’agressé (la RDC) se révèle contre-productive.

D’un côté, les États-Unis soutiennent des résolutions de l’ONU condamnant la présence des troupes rwandaises sur le sol congolais. De l’autre, ils ménagent Kigali pour préserver leurs intérêts économiques et sécuritaires. Le résultat est une diplomatie de façade, sans pression réelle sur Paul Kagame.

Il serait naïf d’attendre que Washington impose une solution ferme. Depuis les années 1990, les États-Unis ont joué un rôle clé dans la montée en puissance militaire et politique du Rwanda. Miser sur leur soutien inconditionnel reviendrait à répéter les illusions du passé.

La RDC doit donc compter avant tout sur ses propres forces et sur les alliances régionales déjà amorcées avec la SADC et l’Union africaine.

7. Quelles alternatives pour la RDC ?

Refuser les conditions de Doha ne signifie pas rejeter toute solution politique. Cela implique plutôt de poser des bases réalistes et protectrices pour l’avenir. Plusieurs pistes sont envisageables :

  1. Renforcer les FARDC et les Wazalendo : investir dans la formation, la logistique et le moral des troupes, afin de consolider une force de dissuasion crédible.
  2. Mener une diplomatie offensive : mobiliser l’Union africaine, la SADC et l’ONU pour obtenir des condamnations claires et des sanctions contre le Rwanda.
  3. Assurer la justice : juger les prisonniers pour leurs crimes de guerre et activités d’espionnage, y compris devant des juridictions internationales si nécessaire.
  4. Communiquer avec la population : expliquer les enjeux, renforcer la transparence et bâtir la confiance entre l’État et ses citoyens face à la guerre hybride.

Conclusion

Les négociations de Doha ne sont pas une porte ouverte vers la paix, mais un piège dont la RDC doit se méfier. Le cessez-le-feu n’est qu’un instrument tactique permettant au M23 et au Rwanda de gagner du temps, de reconstituer leurs forces et de préparer de nouvelles offensives. La libération des prisonniers constituerait une menace directe pour la sécurité nationale en restituant à l’ennemi des agents aguerris.

Refuser ces conditions n’est pas un geste radical, mais une nécessité dictée par l’expérience historique et par le réalisme politique. La RDC ne peut pas bâtir sa paix sur des concessions à ses agresseurs. Elle doit plutôt renforcer son armée, consolider l’unité nationale, poursuivre une diplomatie offensive et miser sur ses propres ressources.

La véritable paix viendra non pas de trêves illusoires, mais de la capacité de l’État congolais à défendre son territoire, à rendre justice et à dénoncer sans ambiguïté la responsabilité du Rwanda dans cette guerre par procuration.

 -----------------------------------------------

Sam Nkumi, Chris Thomson & Gilberte  Bienvenue

African Rights Alliance